La Résidence ou garde alternée pour les enfants
Contrairement à une idée reçue, il ne s'agit pas d'une prérogative intemporelle des mères puisque la garde des enfants n'est en réalité confiée aux mamans que depuis 100 ans… Jusqu'au début du XXème siècle, si la mère décédait ou s'il y avait séparation du couple, l'enfant revenait au père qui le confiait à une parente bien souvent.
Jusqu'à la loi du 4 juin 1970, il n'était question que du père. Cette loi instaure la notion d'autorité parentale conjointe, partagée par le père et la mère. Le mouvement féministe va favoriser l'émergence du "nouveau père", plus investi auprès de ses enfants. L'égalité des sexes revendiquée va donner naissance au concept asexué de "parent", dans les textes, qui va remplacer les termes de "père" et "mère". Les "parents", égaux en droits avant séparation, vont l'être aussi après le divorce.
Dans les faits, à la fin du XXème siècle, la mère assure encore l'essentiel de la charge des soins aux enfants, au quotidien. Durant les années 80, l'idée d'une garde partagée des enfants après un divorce, se dessine. Après la Californie en 1979, l'Allemagne en 1998, la France, en 2002, autorise la résidence alternée et la Belgique examine en 2005 l'instauration de la résidence alternée comme modèle en cas de divorce.
Attention à ne pas faire la faute de langage trop fréquente : il s'agit de la résidence alternée et non garde alternée !
La loi n° 2002-305 du 4 mars 2002
Depuis 2002, la résidence alternée est prévue par la loi et symboliquement mentionnée, dans le code civil, avant même la garde chez l'un des parents : "La résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile des parents ou au domicile de l'un d'eux", précisent désormais les textes. Ségolène Royal, alors Ministre de la Famille, avait défendu cette loi devant le Parlement, en ces termes : " Ce dispositif rendra le partage moins inégal après la séparation. C'est important : c'est dans les mille faits et gestes de la vie quotidienne que les parents transmettent leurs valeurs."
Par voie de conséquence, depuis 2003, le Ministère de l'Économie a prévu un partage du quotient familial, sur la déclaration de revenus des parents qui pratiquent la résidence alternée.
En 2004, l'Assurance Maladie permettait l'inscription des enfants sur la carte Vitale de chacun des parents.
Petit à petit, la CAF tire les conséquences de cette loi, en acceptant le partage des prestations familiales en résidence alternée…
La loi précise qu'au moins l'un des deux parents soit demandeur, mais elle n'exige pas que les deux en fasse la demande. Lorsqu'un des parents s'y oppose, le juge doit évaluer la pertinence du "projet parental" et trancher, toujours dans l'intérêt de l'enfant.
Les décisions des juges motivées par l'intérêt de l'enfant
L'âge de l'enfant n'est pas le critère particulièrement retenu par les juges en charge de décider de la résidence alternée : ils prennent leur décision au cas par cas, en fonction de la maturité et de l'équilibre de l'enfant, de la communication des parents, des conditions matérielles suffisamment satisfaisantes (proximité des domiciles…). La règle d'or, c'est que chaque parent ait le souci de respecter la relation de son enfant avec l'autre parent. Rappelons que la Convention internationale des droits de l'enfant, adoptée par l'ONU en 1989 impose "le droit de l'enfant séparé de ses deux parents ou de l'un d'eux d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant ".
Il convient de noter que la résidence alternée nécessite une certaine aisance financière des parents.
Attention ! Encore une idée reçue : on dit souvent que les femmes obtiennent la garde des enfants dans 80% à 85% des cas, et que la justice penche trop en faveur des mères. Ce chiffre cache une autre réalité : moins de 30% des pères réclament la garde des enfants au moment du divorce, et la justice tranche en leur faveur dans 60 à 70% des cas.
Le profil-type des parents pratiquant la résidence alternée
Dans 95 % des cas, la résidence alternée est demandée par les 2 parents, ce qui prouve qu'elle concerne très largement des séparations non conflictuelles dans lesquelles les parents conservent de bonnes relations.
Il s'agit de couples plutôt jeunes, travaillant tous les deux, avec une pratique de partage des "tâches" à la maison. Les deux parents sont souvent très investis dans l'éducation des enfants.
Ils ont plutôt des revenus au dessus de la moyenne (seuls 13 % demandent l'aide juridictionnelle), ce qui s'explique aisément puisqu'il faut avoir une grosse partie des choses en double. Les frais d'entretien de l'enfant sont partagés, en général, à égalité, et dans 30 % des cas une pension minime est reversée pour compenser les différences de niveau de vie.
Dans de nombreux cas, la résidence alternée a été mise en place dès la séparation de fait : le juge vérifie simplement que l'intérêt de l'enfant est préservé et qu'il le vit bien.
Dans la pratique, pour les enfants ?
De l'avis des juristes et pédopsychiatres, durant très longtemps, ils pensaient majoritairement que cette forme de garde pouvait être nuisible pour les tout-petits. Françoise Dolto en était une farouche opposante. En France, parmi les plus fervents défenseurs de la résidence alternée, on trouve le sociologue Gérard Neyrand et la psychanalyste Christiane Olivier, par ailleurs tous deux membres du comité d'honneur de "SOS Papa".
Avec le recul, les effets de la résidence alternée sur les enfants peuvent en effet être mieux appréciés. Le Professeur Maurice Berger qui dirige le service de psychiatrie de l'enfant au CHU de St Etienne dénonce les effets délétères de la résidence alternée sur les petits enfants (avant 6 ans). Il explique, notamment dans son livre "Mes parents se séparent" (Ed. Albin Michel - 2003), que "si le bébé se trouve dans un environnement inquiétant, il va bloquer tous ses sentiments d'angoisse, et ce n'est qu'au retour en eaux calmes qu'il va exprimer cette angoisse. Et c'est somme toute bien compréhensible : quand la tempête vous cueille sur un voilier, ce n'est certainement pas le moment de s'angoisser, on va parer, et on attendra les eaux calmes pour laisser exploser son émotion et dire "Oh, que ça a été dur".
Comme le Professeur Jean-Yves Hayez, qui dirige le service de psychiatrie infanto-juvénile aux Cliniques universitaires Saint Luc à Bruxelles, reconnu comme l'un des grands patrons de la pédopsychiatrie en Belgique, Maurice Berger explique que "le plus important pour un enfant, c'est que son père soit fiable, qu'il soit là quand il le dit et qu'il tienne ses promesses. L'enfant pourra dès lors se construire une image du père sur lequel il peut s'appuyer, constater qu'il laisse une trace permanente dans l'esprit de son père. Les associations de pères prennent le problème à l'envers, disent qu'un enfant ne garde pas trace du père dans son esprit s'il ne l'a pas sous les yeux à mi-temps. Or la question n'est pas de savoir si le père laisse ou non une trace dans l'esprit de l'enfant, mais quelle trace le père garde de son enfant dans son propre esprit. Si le père laisse une grande place à son enfant dans ses pensées, alors, quel que soit le temps qu'il passe avec l'enfant, l'enfant le sent, et se construit de façon équilibrée, confiant en l'amour de son père, et tout va bien."
Très souvent, certains enfants vont demander à être plus avec leur maman, ou plus avec leur papa. Et même si ça fait un peu mal au cœur lorsqu'on n'est pas le parent avec qui l'enfant préfère passer son quotidien, il faut respecter la façon par laquelle il essaie de se retrouver un équilibre"
Quelques chiffres
- - la résidence alternée est demandée dans 10,3 % des procédures et accordée dans 8,8 % des cas
- - 75 % des enfants concernés ont moins de 10 ans, 50 % ont moins de 5,7 ans, l'âge moyen est de 7 ans.
- - 78,9 % des résidences alternées se font par rotations hebdomadaires.
- - 70 % des pratiques de résidences alternées ne donnent pas lieu à versement de pension alimentaire. Lorsqu'il y a versement d'une pension, elle est inférieure à 200 € par mois et par enfant dans 2/3 des cas.
- - le revenu moyen des parents qui appliquent la garde alternée est de 2.163 € pour le père et 1.364 € pour la mère. (source : Ministère de la justice - octobre 2003)
- - 105.000 enfants concernés en 2004 (source : Ministère de l'Économie)
N'hésitez pas à faire part de vos expériences, commentaires et avis à ce sujet, dans le forum !
Accéder au texte de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002
Plus d'infos dans " Le Monde " du 31 octobre 2005
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