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Garde de l'enfant : utilisation erronée...

Je m’interroge sur la persistance de l’usage d’un terme dans le langage commun concernant en particulier la situation des enfants issus de couples séparés. Il n’y a pas si longtemps, la ministre à l’époque en charge de ces questions ne se privait pas de l’utiliser alors qu’elle présentait une loi qui consacrait la désuétude juridique de cette notion. Il s’agît de la "garde" de l’enfant.

Les médias l’utilisent quasi systématiquement. Je l’ai entendu encore lors de deux récentes affaires spectaculaires qui ont fait la une des journaux écrits et audio visuels : l’affaire du jugement de ce père, retrouvé en Ariège, qui avait e(n)levé ses deux enfants durant 11 ans et celle de la petite Elise, "raptée" par sa mère russe avec, au passage, tabassage du père à Arles.

Petit rappel historico-juridique pour illustrer les mutations profondes : autrefois était la puissance paternelle ou patriarcale. D’absolu, celle-ci a été peu à peu battue en brèche depuis la révolution française mais ce n’est qu’en 1970 que lui a été substituée l’autorité parentale qui donnait, dans le cadre du mariage, égalité de droit au père et à la mère à l’égard de leur enfant. La notion juridique de garde (c'est-à-dire d’autorité absolue et non partagée) a subsisté uniquement pour quelques temps encore lors des divorces. En 1987, l’autorité parentale conjointe était accordée aux seuls parents mariés qui divorçaient. Et parce que, devant l’augmentation considérable des naissances hors mariage, la situation devenait intenable pour tous les acteurs qui n’avaient pas contracté leur union si d’aventure ils se séparaient, la loi de 1993 l’a étendu à tous les parents ayant reconnu l’enfant. A l’inverse, la déchéance parentale, en pratique, est devenue rarissime. (voir L'autorité parentale en quelques dates)

Pour autant, l’autorité parentale conjointe est largement restée une coquille vide dans la mesure où, dans les faits, c’est celui des parents qui se voyaient attribuer la résidence principale de l’enfant qui exerçait l’essentiel des charges de l’autorité. Dans 85 % des cas il s’agissait de la mère, 9 % des pères avec une éviction-disparition importante des "parents non gardiens" après les séparations.

La loi du 4 mars 2002 a voulu assurer l’égalité entre tous les enfants, quelque soit le régime matrimonial de leur parents. Elle a voulu surtout renforcer le principe de coparentalité en donnant du contenu à l’autorité parentale conjointe. La résidence alternée a enfin été reconnue par la loi. La médiation familiale a été promue pour tenter de dépasser les conflits issus de la désunion et surtout, l’avis des deux parents est désormais requis pour tout ce qui concerne les conditions de vie des enfants ou leurs modifications et les décisions importantes les concernant. Les administrations prenant en compte la composition familiale ont été sommées de reconnaître la coparentalité dans l’attribution de leurs prestations ou de leurs services. (CAF, sécurité sociale, SNCF, Education nationale, impôts…).

Nous allons donc, en ce qui concerne l’autorité parentale exercée sur les enfants, vers une égalité entre père et mère indépendamment de leur statut matrimoniaux, mais aussi vers la substitution de la notion de puissance et de pouvoir patriarcale par un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité le seul intérêt de l’enfant, même si ce concept peine, selon moi à être défini. Cette évolution du statut de l’enfant et de l’autorité à laquelle il est soumis, prend sens dans une modification incessante depuis 40 ans de la Famille qui d’unique est devenue plurielle, plus fragile et mutante.

La notion de garde renvoie à mon sens, à la conception antérieure du pouvoir alors que l’autorité, plus contemporaine, renvoie également à celle de responsabilité. Pourquoi alors, cet usage quasi systématique du mot "garde", qui rappelons le, renvoie à une autorité parentale hégémonique, est-il encore si prégnant dans le discours médiatique et dans le langage commun ? D’abord parce qu’à la mise à bas du patriarcat, s’est rapidement substitué la montée en puissance de l’hégémonie maternelle, seule capable aux yeux des psys de l’époque, d’assurer l’élevage des enfants. Un déséquilibre en ayant chassé un autre, il a fallu le constat des dégâts engendrés chez les enfant par l’éviction paternelle, les combats des pères dépossédés de leur rôle et trois lois pour faire admettre et enregistrer la nécessité de la parité des rôles parentaux pour l’intérêt réel et véritable de l’enfant.

En outre, Les médias privilégient les histoires des trains qui déraillent et négligent souvent ceux qui arrivent à l’heure. Ce sont les conflits paroxystiques de couples qui se déchirent à propos du devenir de leur enfant qui sont mis en avant et non les résolutions laborieuses et les compromis trouvés par les deux parents désunis afin d’assurer à leur enfant des conditions de coparentalité suffisantes. Car le conflit est très largement présent au moment et après la séparation. Il est souvent nécessaire de le reconnaître, d’admettre son expression pour ensuite pouvoir le dépasser, généralement en faisant le deuil de l’union défaite et en se recentrant sur le rôle parental qui lui, survit au délitement amoureux.

Continuer à parler de "garde" à propos des enfants de couples séparés revient donc à admettre la prééminence d’un parent, bien souvent celui à qui est accordé la domiciliation principale au dépend de l’autre parent que l’on persiste à ne voir que secondaire. C’est faire fi de la promotion de la résidence alternée, promue par la loi de 2002 et dont beaucoup de parents se sont emparés pour bâtir un exercice réel de la coparentalité, bien souvent encouragés par certains juges aux affaires familiales. Et ce n’est pas parce que certaines situations ayant mis en place ce modèle ne fonctionnent pas ou mal, probablement en raison de la persistance de la rivalité et du conflit entre les deux parents, qu’il faille jeter l’outil le plus probant de mise en place effective de la coparentalité voulue par la loi.

Je ne connais pas la situation personnelle du couple franco russe dont il a été question ces dernières semaines, ni l’état de la législation russe en matière de séparation parentale. Mais n’y avait-il pas possibilité d’imaginer de transformer le handicap de cette petite Elise, déchirée entre deux parents, deux pays et deux cultures, en un atout en la faisant également bénéficié des apports de ses deux entités parentales. Médiation difficile certes, mais qui mériterait que les parents s’y attèlent après avoir fait subir trois enlèvement à leur fille en 18 mois.

L’espace législatif a accompagné durant 30 ans les formidables évolutions sociales de la famille. L’esprit des textes, particulièrement dans sa dernière version de Mars 2002, permet que chaque entité trouve ses équilibres en matière de responsabilité parentale. Le terme de garde n’y a plus sa place depuis longtemps. Sa persistance dans les discours révèle à mon sens des velléités de domination et de toute puissance sur l’autre conjoint et sur les enfants. Travaillons tous à faire disparaître l’effet et surtout la cause, en utilisant le terme de "résidence".

Article rédigé par Bear22

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