Marcel Rufo : interview du pédopsychiatre auteur de La vie en désordre
Parent-Solo : Vous êtes pédopsychiatre, longtemps chef de clinique à l'hôpital Sainte-Marguerite, à Marseille, vous dirigez depuis 2004 la Maison des Adolescents à Paris. Dans votre dernier ouvrage, " La vie en désordre ", sorti en octobre 2007, vous parlez d'adolescents très perturbés. Certes, tous les adolescents ne vivent pas des choses aussi dramatiques, mais y a-t-il des " signes " qui doivent amener à consulter ?
Il n'y a jamais un seul signe. Par exemple, les troubles du sommeil sont un signe mais ils doivent se cumuler avec d'autres signes, pour inquiéter.
P.S. : La rupture ou séparation des parents est un élément à prendre en compte, même s'il ne suffit pas à expliquer le trouble : les ados de parents séparés sont-ils plus affectés ?
Oui. Sans vouloir être démagogue, on observe une fragilisation des adolescents dont les parents sont séparés.
P.S. : Votre psychologie très humaniste traduit une grande humilité. Par exemple, vous écrivez " accepter que la guérison nous échappe parfois, qu'elle tient à une conjonction de facteurs, de traitements, d'activités, de rencontres… ". Ce sentiment est-il si fréquent dans votre discipline ?
J'espère que c'est fréquent ! Finalement, le psy sert quand il ne sert plus…
P.S. : Dans quelle mesure, les parents sont importants pour l'adolescent mais aussi pour le psychiatre ?
Les parents sont toujours importants. Par exemple, à la Maison de Solène, on a peu de cas d'anorexie-boulimie, car on ne sépare jamais les adolescents des parents, dans leurs relations.
P.S. : Les parents ne sont-ils pas aussi " à soigner " durant les périodes difficiles de l'adolescence de leur enfant, car ils culpabilisent…à tort ou à raison ? Vous écrivez " les parents n'en finissent plus d'être jeunes, on dirait qu'ils n'en ont jamais terminé avec leur propre adolescence ". C'est inquiétant ?
L'adolescence repose sur la crise des parents… On remarque qu'il existe des parents très adolescents, qui se retrouvent en concurrence avec leurs adolescents.
P.S. : A propos des parents, vous dites : " On les aime aveuglément dans l'enfance ; on croit parfois les détester à l'adolescence, parce qu'ils nous déçoivent et entraînent une désillusion ; on devient adulte le jour où l'on parvient à les critiquer sans les rejeter, à les aimer malgré leurs défauts ". Arrive-t-il que le passage au stade " adulte " ne se fasse pas ou se fasse beaucoup plus tard ?
En fait, devenir grand, c'est aimer les défauts de ses parents !
P.S. : Ce qui se passe à l'adolescence est-il dépendant de ce qui s'est passé plus petit, de " la façon dont on a été aimé et regardé dans les premiers temps de notre vie " ?
Oui et non, mais plutôt oui.
P.S. : Le sentiment de solitude avec " la petite lueur au bout du couloir à laquelle on s'accroche " est-il caractéristique de l'adolescence ?
L'adolescence est une désillusion sur soi.
P.S. : J'ai beaucoup aimé cette phrase " permettre à chacun de retrouver le temps, d'apprendre que le présent, pour être pleinement vécu, a besoin de passé et d'avenir ". Notre société nous conduirait-elle pas, aujourd'hui de plus en plus, à ne plus tenir compte du passé ?
Pour reprendre une référence d'actualité, le parcours du XV de France pour la Coupe du Monde de Rugby montre que le passé est important pour croire en l'avenir ! (NDLR : à la date de l'interview, la France a battu les All Blacks, elle est qualifiée pour les demi-finales).
P.S. : Notre site, www.parent-solo.fr, suscite beaucoup d'intérêt auprès des mères et pères seuls, et de plus en plus de questionnements concernent l'adolescence. Cela vous surprend-t-il ?
Non, ce n'est pas étonnant, car les parents ont fait beaucoup de progrès.
Découvrir le livre : La vie en désordre de Marcel Rufo
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