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Interview de Emmanuelle De Boysson, auteur de "Femmes, les grands rendez-vous de votre vie"

Emmanuelle de BoyssonParent-Solo : Vous êtes critique littéraire à Marie Claire et auteur de plusieurs ouvrages. Dans votre dernier livre, "Femmes, les grands rendez-vous de votre vie", sorti en mars 2007, vous parlez beaucoup de la liberté : " le prix de la liberté ", la liberté que la mère doit laisser à sa fille pour s'émanciper, l'homme qui craint de perdre sa liberté, l'indépendance de la femme qui la rend libre, etc. On ne peut pas tout tolérer ni accepter sous couvert de la " liberté " ?

E de B : Mon livre s'adresse aux femmes. Elles sont souvent soumises à des interdits maternels, elles restent longtemps sous l'influence de leur entourage, en particulier des hommes. De plus, les diktats ambiants véhiculés par les médias ne les aident pas à se fier à leur propre jugement, à leur instinct. Pour toutes ces raisons, je crois que les femmes ont du mal à devenir vraiment libres, à choisir leur vie, non à la subir. Je les invite à s'informer, à se préparer aux grands rendez-vous qui les attendent : biologiques, amoureux, professionnels, familiaux. J'essaie de les éclairer à travers une réflexion et des témoignages afin de leur permettre de se donner des priorités, de s'écouter, de se faire confiance. La liberté, vous avez raison, suppose aussi de respecter l'autre, d'accepter les contraintes, mais je crois qu'à partir du moment où nous nous engageons, nous sommes prêts à rétrocéder une part de notre liberté, pour en gagner une autre, pour réussir notre vie.

P.S. : Pensez-vous que certaines femmes qui élèvent un enfant seules ont fait ce choix - consciemment ou non - par compensation, par volonté de combler un manque affectif ou pour donner un sens à leur vie ?

E de B : Chaque situation est différente. Elever un enfant seule est rarement un choix car les femmes savent combien cela est difficile, d'autant qu'elles vivent la plupart du temps dans une grande précarité financière et affective. L'enfant, qu'il soit élevé seul ou pas, donne un sens à nos vies, mais pas seulement. Il ne comble pas un manque affectif. Je pense qu'une femme cherche d'abord à assurer sa sécurité financière, à exercer un métier qui lui convienne et qui l'épanouisse. Pour que l'enfant trouve sa place et son indépendance, il est essentiel qu'elle puisse s'appuyer sur d'autres liens personnels.

P.S. : " La femme a en soi plus d'expérience de vie qu'un homme " : que voulez-vous dire ?

E de B : La femme qui devient mère se sent souvent plus responsable qu'un homme car elle donne la vie. En ce sens, elle possède une force, une énergie plus fortes.

P.S. : L'amitié est une valeur forte, particulièrement lorsqu'on est seul. Comment maintenir les liens après une séparation qui, souvent, les fait éclater ?

E de B : Je crois qu'il faut dissocier l'amour qui n'est plus, de son rôle de parent afin d'établir une coparentalité responsable, voire un début d'amitié. Les enfants doivent savoir qu'ils gardent leurs parents, que ceux-ci dépassent les conflits pour leur bien. Il faut en parler, expliquer, se détacher d'un rapport trop passionnel, prendre du recul et devenir adulte.

P.S. : Vous écrivez que " les familles monoparentales et les familles recomposées ne sont pas de vraies familles pour les enfants qui y vivent, dont la mère est d'un côté et le père de l'autre. ". Vous m'effrayez… que de gens hors normes, alors ?!

E de B : Vous m'avez mal comprise ! Bien sûr que ce sont de vraies familles, mais différentes, pas classiques où chacun garde tout de même son rôle de parent.

P.S. : Avant de divorcer, les hommes réfléchissent, calculent, les femmes foncent. Elles sont majoritairement à l'initiative des divorces. Serait-ce pour le regretter après, selon vous ?

E de B : Pas toujours. J'ai interviewé des femmes sans regrets, d'autres qui trouvent leur vie difficile et se battent pour s'en sortir. L'amour renaît ! Je ne suis pas pour la nostalgie mais pour tirer les leçons d'une expérience et avancer.

P.S. : " L'insatisfaction chronique dont nous souffrons est celle du manque d'amour. Elle rend fou ! ". Comment se traduit cette folie ?

E de B : Nous sommes de plus en plus seuls, nous nous refermons sur nous-mêmes et nous nous coupons des autres, par peur de l'engagement… Le manque chronique d'amour nous angoisse, nous déprime, nous assèche. Aller vers l'autre est alors une démarche volontaire, une disposition à l'inattendu, une générosité. Sans cette attitude, nous broyons du noir, nous nous dévalorisons parfois même jusqu'aux limites du suicide.

P.S. : " Peur de perdre son emploi, méfiance des supérieurs, manque de crèches, la société ne favorise pas les femmes qui tentent de concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. " : êtes-vous optimiste pour l'avenir, sur ce point ?

E de B : Oui, je suis sûre que dans l'avenir des mesures seront mises en place pour pallier ces disfonctionnements, le processus est irréversible ! Aucun politique ne prendra le risque d'aller à l'encontre de la plus active démographie d'Europe. Ils feront tout pour soutenir l'accroissement des naissances et l'accueil des enfants en bas âge. Question de survie !

P.S. : Des séparations se font dans le conflit, d'autres se font en " bonne intelligence " et, dans ce cas, généralement la garde alternée fonctionne bien. Vous avez l'air sceptique ?

E de B : Je me réfère à des enquêtes qui démontrent que les enfants sont souvent ballottés, mais la plupart du temps c'est parce que les parents s'entendent mal.

P.S. : " Rien ne nous prépare à être seuls, ni les médias, ni la TV ". Certes, mais est-ce supportable d'être seul ? Il est sans doute possible de distinguer la solitude physique de la solitude morale ?

E de B : La solitude physique est supportable, la solitude morale moins. Nous avons besoin d'amis, de famille, de liens sociaux pour exister.

P.S. : " Une femme est belle si elle se sait aimée, mais aussi si elle s'aime telle qu'elle est ". Je partage votre propos, ceci dit, y a-t-il beaucoup de " femmes belles " ?

E de B : Pour être aimé, il faut s'aimer! Et contrairement à ce qu'on croit, il y a peu de femmes qui s'aiment vraiment. La plupart doutent d'elles, même les plus belles! Elles répondent souvent au désir de l'autre, au lieu de satisfaire leur propre désir, de l'exprimer. S'aimer prend du temps. Cela suppose de travailler sur soi, de se libérer de ses blocages ou du moins de les accepter, de se construire en gardant de son éducation ce qui est le plus positif. Et surtout, de faire des choix qui correspondent à ses aspirations. Les femmes qui ont été aimées par leurs parents ont plus confiance en elles et savent plus facilement aimer, être aimée. Aimer, c'est donner et recevoir. Nous savons souvent donner, pas assez recevoir. Votre question est intéressante car nous fuyons souvent l'amour, il nous fait peur. Le désir inhibe. Dans mon livre "Le secret des couples qui durent" (Presses de la Renaissance), j'explique comment se préparer à une rencontre. (il s'agit d'abord de mieux se connaître...) J'invite le lecteur à dépasser la passion, à traverser les débuts souvent pas évidents de la vie à deux, à surmonter les crises... Aujourd'hui, j'ai constaté un grand désir de réussir sa vie de couple, malheureusement, beaucoup de femmes se heurtent à la peur de l'engagement, au désenchantement et il est difficile d'être aimée longtemps. Je suis persuadée qu'au delà de l'émotion, du coup de coeur, l'amour est une disposition d'esprit, une question de volonté, de psychologie, de générosité, de souplesse, d'humour!

P.S. : La cause des séparations serait que " nous voulons trop, nous voulons tout. Nous consommons. L'autre doit être l'amant, le bon parent, le conseiller, le coach… Il n'a pas toutes les casquettes ! " : dans la complémentarité d'un couple, chacun peut être tout cela selon les cas, en fonction de l'autre, non ?

E de B : Il peut l'être, mais pas toujours ! Reste que je déplore l'attitude consommatrice qui pousse chacun à vouloir que l'autre comble nos manques au lieu d'accepter ce qui vient et de donner !

P.S. : Le site www.parent-solo.fr a été , dès sa création, volontairement destiné aux hommes comme aux femmes. Cela pouvait sembler risqué. Finalement, il apparaît aujourd'hui que c'était un bon choix. En visitant le site, cela vous a-t-il surpris ?

E de B : Je trouve ce site formidable, truffé d'infos et ouvert car il s'adresse aussi aux hommes qui n'ont pas la garde de leurs enfants. Je suis très sensible à ce point : les pères doivent retrouver leur statut, c'est essentiel : ils ont souvent été injustement traités. Bravo à parent.solo. Vous avez tout mon soutien !

Découvrir le livre : "Femmes : les grands rendez-vous de votre vie" d'Emmanuelle De Boysson

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